ROUGE HARTLEY

« Pendant la semaine que j’ai passée à Erriadh, je n’ai pas tant pensé que goûté à la possibilité d’une altérité radicale de l’ordinaire. Il y a d’autres vies que les nôtres, et la diversité des quotidiens, des rêves, des aspirations reste une magnifique énigme pour moi. Non moins fascinants sont les endroits où ces quotidiens se superposent, car partout on mange, on lave le linge, on s’occupe des enfants, on tombe amoureux, on est secoué de liberté, on fait bande, on pense à la mort, à l’autre, on philosophe. De la qualité de gestes simples dépend la qualité d’une vie ; ici il semble que les gens le savent, chaque objet, chaque alcôve, chaque assiette, porte la marque du soin.

J’ai écouté des vies silencieuses et cet arpège des voix qu’on ne comprend pas. Je me suis lovée dans une langue que je rêve d’apprendre, dans la ouate tendre et sensible d’un ailleurs. Je me souviens d’une rumeur douce drapée de poussière et de sables, de la précision calme de gestes plus anciens que les nôtres. J’en suis rentrée sereine, avec un printemps à promener sur nos murs d’hiver. »

ROUGE HARTLEY (2022)